Notre projet au Mali est né au coeur de l'
été 2005 d'une rencontre avec
Bambie Soumaré, alors étudiante en soins infirmiers. Depuis longtemps, elle souhaitait agir dans le village natal de ses parents :
Moussala. Quelques mois plus tard, après un long travail de préparation, trois membres d'ESSI foulaient le sol malien pour une première mission exploratrice. Le but était alors de
comprendre les réalités locales en termes de santé et de définir les actions réalisables par ESSI.
Nous avons à coeur, dans la réflexion de nos actions, de
rejeter l'assistanat. Nous voulons répondre à une demande locale émise par les villageois, le personnel de santé ou un de nos partenaires locaux mais laisser les autochtones gérer l'entretien du matériel et le suivi de nos actions.
C'est ainsi qu'en juin 2008, d’après nous,
Moussala avait désormais un dispensaire suffisamment équipé avec un comité de gestion qui fonctionne de manière autonome pouvant effectuer les investissements nécessaires. L’implication de l’association dans la vie du dispensaire sera désormais limitée : aucun apport de matériel ne sera effectué en 2009 et
les relais communautaires prennent en main la sensibilisation, comme cela a toujours été l’objectif. ESSI continuera la formation des relais sur de nouveaux thèmes de santé, à la demande de la population, mais cela fera l’objet de missions beaucoup plus épisodiques.
Vous pouvez retrouver les différentes actions réalisées à Moussala et les comptes-rendus des missions dans la colonne de gauche.
Naissance du projet à El Gueleita
Au cours de l’une de nos réunions avec le
GRDR (ONG française avec différents pôles d’activité dont un pôle santé qui gère des campagnes de sensibilisation dans la région de Kayes) en 2007, nous avons appris la
construction récente d’un nouveau dispensaire (2006) à la frontière mauritanienne, à
El Gueleita, petit village coupé de toute forme de communication moderne. Nos contacts locaux pensant qu’il aurait besoin d’aide dans son développement et son bon fonctionnement, nous avons décidé en
février 2008, de nous rendre sur le terrain pour une première mission exploratrice.
Ce fut l'occasion de soulever des
problèmes importants de gestion d'argent : malgré les rentrées d’argent issues des consultations et de la vente des médicaments, l’ASACO (association de villageois élus soutenant le dispensaire) ne payait plus le personnel de santé depuis 6 mois ! De plus,
le village ne détient ni connexion téléphonique, ni véhicule motorisé, ce qui le rend complètement coupé du monde ! En cas d’urgence, il est donc impossible de véhiculer quelqu’un à Kayes (hôpital le plus proche), et le personnel ne peut pas être informé d’éventuelles formations à Kayes… Nous nous sommes quittés après avoir proposé l’éventuelle mise en place d’un partenariat avec notre association pour venir en aide au dispensaire, sous condition qu’une meilleure organisation du dispensaire soit effectuée d’ici-là. Contents de l’intérêt que nous leur avons porté, ils nous ont promis d’améliorer le système et nous ont invités à revenir, ce que nous avons fait lors de la mission de juin.
Une partie de l'équipe de juin 2008 a passé trois jours à El Gueleita afin de
définir les besoins sanitaires du village et d’établir les besoins matériels du dispensaire. Finalement, cette mission de juin, nous a ouvert de bonnes perspectives d’actions et permis d’envisager des missions futures à El Gueleita, car
il existe une véritable demande locale en matière de santé.
Le nouveau projet qui se crée à El Gueleita se nomme «
An Daga ! », ce qui signifie « on y
va ! » et qui retranscrit plutôt bien l’état d’esprit actuel de tous les membres d'ESSI !
Problématiques
Les principaux problèmes et demandes évoqués par la population sont :
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L’absence de moyen de déplacement (une moto par exemple).
→ Un moyen de déplacement permettrait à l’infirmier et à la matrone (l'équivalent local de la sage-femme) de
se rendre régulièrement dans les villages éloignés du dispensaire pour proposer des consultations sur place. En effet, la plupart des habitants ne possède qu’une charrette pour se déplacer, ce qui crée une inégalité d’accès aux soins.
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L'absence de frigo (pour conserver les médicaments)
, d'une table de consultation supplémentaire et de petit matériel médical (pinces, ciseaux...).
→ L’avantage d’avoir un réfrigérateur au dispensaire est non négligeable. Actuellement, les seules campagnes de vaccinations dans la région se font ponctuellement et occasionnellement car la région est très reculée et difficile d’accès. La présence d’un réfrigérateur permettrait de
conserver au dispensaire des vaccins de manière permanente et ainsi assurer un vrai suivi vaccinal de la population.
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L'absence de moyen de communication (il n'y a pas de téléphone, car pas de réseau)
→ L’absence de moyen de communication est un problème car il isole encore plus le dispensaire et son personnel. Aussi, en cas de problème de santé important, l’infirmier ne peut pas téléphoner à Koussané (commune regroupant 28 villages, dont Moussala et El Gueleita) ou à Kayes pour
demander un transfert du patient vers un centre plus important, ou pour tout simplement
demander des conseils face à une problèmatique médicale à laquelle il ne peut répondre. De plus, de nombreuses formations médicales sont organisées à Kayes, par le GRDR entre autres. Et le personnel du dispensaire d’El Gueleita ne peut en bénéficier car il n’est pas tenu au courant de ces formations.
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Les accoucheuses traditionnelles nous avaient demandé en 2008 d'être formées, pour accoucher les femmes dans de meilleures conditions.
→ Nous avons remarqué que depuis sa création en 2006, trois matrones sont venues travailler au dispensaire, puis sont reparties. Souvent, les matrones sont des femmes ayant grandi en ville, à Kayes ou à Bamako, et qui ont leur famille là-bas. La vie à El Gueleita étant difficile, et éloignée de tout, elles n’ont pas forcément envie de rester, ce qui est problématique pour le bon fonctionnement du dispensaire.
→ Notre réponse : Les accoucheuses traditionnelles n’ont pas fait d’études, ne parlent pas le français, et ne peuvent donc pas suivre une formation à Kayes. En accord avec le chef du village d’El Gueleita,
nous avons choisi d’essayer de financer la formation pour devenir matrone à une jeune fille terminant ses études et étant originaire d’El Gueleita.
Objectifs
Le projet An Daga ! à El Gueleita s’est créé en 2009, et
il se poursuivra sur autant d’années que cela sera nécessaire pour approcher au plus près d’un fonctionnement autonome du dispensaire, dans la limite de nos capacités (nous ne sommes qu'étudiants en santé). Le précédent projet Torra Sunté ! à Moussala se concrétisait par
deux missions sur le terrain par an (la première en février, et la deuxième en juin). Ainsi, nous souhaitons travailler dans le même rythme avec le dispensaire d’El Gueleita.
L’objectif principal du projet An Daga ! est donc
l’auto-gestion du dispensaire, et
l’amélioration du niveau de santé de la population en dépendant. Nous souhaitons que d’ici quelques années, les villageois connaissent les symptômes qui nécessitent d’aller au dispensaire, et qu’une fois au dispensaire, ils soient pris en charge avec du matériel en bon état, et que si cela est nécessaire, ils repartent avec le traitement adapté (ce n’est pas toujours le cas avec une pharmacie mal approvisionnée).
Nos actions
1. Sensibilisation
Lors de chaque mission, nous abordons un thème de santé différent,
choisi en accord avec le personnel du dispensaire, afin de
sensibiliser l'ensemble de la population (hommes, femmes et enfants) d'El Gueleita et des villages alentours dépendant du dispensaire. Nous construisons notre séance
avec l'aide du GRDR afin d'adapter notre message à une culture différente de la nôtre.
Lors de la mission, nous formons dans chaque village (cinq au total, dont El Gueleita) des
relais communautaires. Les relais communautaires sont des villageois qui sensibiliseront la population
plusieurs fois par an sur le thème abordé. Ces personnes relais ont été choisies par le GRDR et ont déjà été formés sur le paludisme. Lors d'une
séance test devant la population, nous pouvons apprécier la qualité de notre enseignement et corriger les erreurs. Dans chaque village, nous laissons en guise de support
une frise symbolisant les grandes étapes de la séance de sensibilisation afin que les relais puissent reproduire la séance devant la population en notre absence.
2. Apport matériel
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Un moyen de transport : c'est une priorité. Cependant, ni les villageois, ni l'ASACO ne possèdent les fonds nécessaires pour l'entretien et l'essence de la moto. Néanmoins, la commune de Koussané pourrait prendre en charge cet aspect financier, ce qui permettrait d'apporter la "moto-taxi"
dès que nos fonds en permettent l'achat.
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Un moyen de communication : il va de paire avec le moyen de transport. Nous pensions pouvoir apporter le téléphone rapidement, mais la SOTELMA, qui s'occupe de la couverture réseau du pays, nous a indiqué qu'El Gueleita ne se situait pas encore dans la zone couverte. Une alternative au téléphone pourrait être l'installation d'une
RAC, c'est-à-dire une radio, qui permettrait au dispensaire de communiquer avec celui de Koussané. Cependant, ce moyen de communication semble de moins en moins utilisé (il ne l'est déjà plus à Kayes) et deviendra peut-être bientôt obsolète. La solution se trouvera peut-être du côté des
téléphones satellitaires, mais leur coût est élevé. De plus, l'installation d'un moyen de communication nécessite une
alimentation électrique (une batterie) ainsi qu'un
moyen de la recharger (un panneau solaire).
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Un frigo : il ne pourra être mis en place qu'
après l’électrification du dispensaire. Cette dernière est une démarche très longue, que nous allons entreprendre prochainement si nous obtenons le soutien financier nécessaire, pour pallier à tous les problèmes liés à l’absence d’électricité (soins de nuit réalisés à la lampe à pétrole, dont les accouchements, aucun moyen de conserver les médicaments…).
Tout le matériel qu'ESSI fournit au dispensaire est
acheté au Mali, afin de faire marcher l'économie locale.
En ce qui concerne le don de petit matériel non pérenne (médical ou non médical), nous ne voulons pas reproduire les erreurs du passé. Nous nous sommes alors rendus compte que ce genre de « dons » créait une
dépendance car il nécessitait d’
apporter toujours plus. De plus, malgré nos précautions, une grande partie du matériel disparaissait ou était détourné de son usage premier. D’après nous, la meilleure solution consiste à rendre le dispensaire capable d’acheter par lui-même ce dont il a besoin (médicaments, petits matériels…). Aujourd’hui,
ESSI se refuse au don de toutes choses non pérennes.
Suivi
Lors de notre première mission, nous avons réalisé une enquête épidémiologique pour
évaluer le niveau de santé de la région autour d'El Gueleita. Ce questionnaire a été élaboré avec le
Pr Viel, statisticien au CHU de Besançon.
Sur place, nous avons donc interrogé 10% de la population de chacun des villages, ce qui représente environ
300 personnes. Il faut une répartition au hasard des familles interrogées. Pour cela, nous utilisons une bouteille que l’on fait tourner pour indiquer la direction, puis nous tirons au sort un chiffre entre 1 et 5 pour savoir si on se rend dans la première, la deuxième… maison dans la direction indiquée par la bouteille. Une fois dans la maison, nous interrogeons toutes les personnes vivant là, l’ensemble constitue une « grappe ».
Nous pourrons renouveler cette étude afin d'
évaluer l'impact de notre action en termes de prévention et de sensibilisation
Nous réalisons d'autres enquêtes épidémiologiques afin de constater la
prévalence de certaines maladies, comme la bilharziose par exemple. Ceci nous permet ainsi d'
affiner nos projets en fonction des véritables besoins de la population.
En outre, la mesure des résultats se fera par l’étude de l’
évolution des registres du dispensaire. En effet, lors de chaque mission, les équipes relèvent les registres (consultations, accouchements, comptes…) et nous pourrons ainsi
suivre l’évolution du travail du dispensaire. Nous disposons des relevés du dispensaire de Moussala, où l’association est intervenue durant trois années, ce qui constitue une sorte de modèle à reproduire. Bien que le dispensaire de Moussala ne soit pas parfait, nous avons pu y constater une belle évolution, le personnel en est très content, et l’ASASM, qui gère le dispensaire, peut acheter le matériel nécessaire pour réaliser les soins.
Le projet An Daga ! n'en est qu’à son commencement et se déroulera certainement sur plusieurs années. Les perspectives d’avenir sont nombreuses, et les demandes locales aussi !